Entretien avec Thierry Guillou
Beautyfootball 2.0 poursuit son évolution. Aujourd’hui, nous ne vous présentons pas un futur grand entraîneur. À l’approche de la publication du livre « Football et formation : une certaine idée du jeu » aux Éditions l’Harmattan, nous avons eu l’immense honneur d’interviewer Thierry Guillou, auteur ainsi qu’éducateur de jeunes footballeurs au FC Lorient. Grâce à une série de questions, nous avons pu aborder de nombreux sujets abordés dans cet ouvrage et dresser un tableau détaillé de l’état du football professionnel en France. Comme souvent, en explorant les profondeurs du sujet, nous ressortons enrichis, réalisant que, dans notre football, rien n’est noir ou blanc, tout est complexe. C’est un véritable combat idéologique qui se déroule chaque jour à travers la pédagogie et les messages des éducateurs à travers la France, des centres de formation jusqu’à la vitrine qu’est la Ligue 1. Au-delà du tableau vibrant que dresse Thierry Guillou, l’auteur défend une vision ambitieuse et exigeante du football, visant à élever notre sport favori. Un entretien enrichissant.
Note : Si c’est votre première visite sur le site, n’oubliez pas de lire mon « idée clé », car elle est essentielle pour comprendre la totalité du site.
Peux-tu te présenter et décrire ton parcours professionnel ?
Je suis Thierry Guillou, éducateur au centre de formation du FC Lorient. Mon parcours est assez classique ; j’ai commencé le football à 5 ans. À 11 ans, j’ai été recruté par le FC Lorient à une époque où la « préformation » n’avait pas encore ce nom. À 15 ans, j’ai intégré le centre de formation du club pour trois saisons, faisant partie des 60 % de joueurs nés dans les quatre premiers mois de l’année. À 18 ans, je suis retourné au football amateur jusqu’à mes 28 ans.
En tant qu’éducateur, après avoir obtenu un Bac ES, j’ai suivi une Licence STAPS à l’Université de Brest, suivie d’un Master en management du sport à Nantes, avec des études axées sur le football et la formation des jeunes joueurs. En parallèle, j’ai complété ma formation avec des cursus de la FFF jusqu’au BEF. J’ai encadré des jeunes dans des clubs amateurs, puis actuellement dans une structure professionnelle. Cela fait huit ans que je suis à temps plein dans le milieu du football, ayant eu la chance de travailler avec des joueurs de tous les âges, des U7 aux U19, en m’occupant du recrutement des jeunes talents et de l’entraînement des gardiens.
Comment as-tu eu l’idée d’écrire un livre sur le football ?
Effectivement, une des spécificités de cet ouvrage est qu’il n’est pas rédigé par un professionnel de l’écriture. Je ne suis pas destiné à écrire des livres, mais ma passion pour le football m’a conduit à cette démarche ! Ce projet a vu le jour en 2010, motivé par deux raisons principales : structurer ma pensée et la partager. C’est une manière de jouer collectif pour que chacun prolonge l’idée selon son ressenti. Grâce à mon parcours, j’ai croisé des personnes qui ont partagé leurs expériences et idées, ce qui m’a également donné envie de transmettre.
Peux-tu nous parler des conditions de création de cet ouvrage ? Quelle charge de travail cela t’a-t-il demandé en plus de ton quotidien ?
Depuis des années, j’ai collecté des citations et réflexions d’entraîneurs résonnant en moi. Au fil du temps, des tendances et des similitudes sont apparues. J’ai donc commencé à établir des connexions et à formaliser mes pensées jusqu’à la réalisation de ce livre. Évaluer la charge de travail est complexe car le projet a débuté en 2010 et s’est concrétisé en 2018, avec des périodes de production intenses et d’autres beaucoup plus calmes.
Quel est le but de ton livre et qui est ton public cible ?
Le principal objectif de ce livre est le partage. Il s’adresse à tous les éducateurs, étudiants (STAPS) et passionnés de ce sport qui apprécient le jeu collectif et son développement.
Histoire et évolution de l’approche française du jeu
Ne penses-tu pas que la France ait une culture défensive dans tous ses sports collectifs ? Prenons le handball féminin par exemple, leur succès repose largement sur leur capacité à neutraliser les attaques adverses. Malgré quelques exceptions, comment expliquer que tant de techniciens français soient marqués par une vision défensive du jeu ?
Je ne partage pas cet avis. Il faut se méfier des idées préconçues qui entravent souvent une analyse juste. Dans le football, par exemple, la France a connu des succès basés sur des fondations défensives, mais également avec un style beaucoup plus offensif. Des sportifs tels que Yannick Noah ou Teddy Riner illustrent cela avec leur approche offensive dans leurs disciplines respectives, et de nombreux grands joueurs français ont brillé grâce à un cadre propice à leur expression. Certains entraîneurs légendaires ont également su mettre en place des styles de jeu offensifs.
En quoi le parcours des éducateurs français diverge-t-il par rapport à d’autres pays ?
La norme tend à privilégier l’expérience de jeu, mais il n’est pas indispensable d’avoir joué au niveau professionnel pour devenir un bon entraîneur. Cependant, il est vrai que de nombreux pays, comme le Portugal, proposent des entraîneurs de haut niveau aux idées de jeu clairement définies, ce qui ne semble pas encore être le cas en France.
Tu parles souvent du conformisme des idées chez les techniciens de haut niveau en France. Que penses-tu de la formation proposée par la F.F.F. ?
Le conformisme découle du poids des normes très présentes dans notre société. Ceux qui s’en éloignent sont souvent stigmatisés et doivent se battre pour faire entendre leurs idées. Concernant la sélection pour les diplômes d’entraîneurs, il est fondamental de prendre en compte l’histoire, car l’ancien Brevet d’État avait comme but, entre autres, de favoriser la réinsertion des anciens joueurs.
Quelles nuances peux-tu préciser concernant les entraîneurs cités dans ton ouvrage ?
Les entraîneurs, bien que partageant un désir similaire de gagner de manière élégante, ont des conceptions du jeu qui varient grandement. Par exemple, Josep Guardiola est inspiré par Marcelo Bielsa, mais leurs principes de jeu diffèrent sur plusieurs aspects.
Qu’en est-il du FC Lorient et de la méthodologie de Christian Gourcuff ?
Le FC Lorient revient fréquemment dans mes réflexions car c’est le club que je connais le mieux. Sous Christian Gourcuff, il a toujours eu des intentions de jeu claires et souvent émerveillantes. Sa méthodologie d’entraînement se concentre sur des principes tels que « passe et va » et la création d’un langage de jeu commun.
Dans ton livre, comment abordes-tu la pédagogie et le travail technique ?
Je crois que le football ne doit pas être vu en noir et blanc. Les approches analytiques ont leurs limites, tout comme les approches globales. L’essentiel est que le joueur trouve un sens à ce qu’il fait.
Quelles lectures t’ont le plus marqué dans ta carrière d’éducateur ?
Un des ouvrages marquants pour moi est « Football, je t’aime… moi non plus » de Jean-Claude Trotel. Plus récemment, « La Métamorphose » de Matin Perarnau m’a particulièrement touché. Les écrits de François Bigrel et Claude Fauquet sont également très enrichissants.

Fan de foot depuis toujours, je prends plaisir à suivre les matchs et en discuter.
Quand j’ai un moment, j’écris tranquillement mes impressions et mes petites analyses.
C’est juste ma manière de partager ce que j’aime, sans prise de tête ⚽️.





