Ricardo La Volpe : Une icône du football
Ricardo La Volpe est une figure emblématique. Pour lui, chaque victoire doit être acquise sur le terrain à travers une maîtrise du jeu. La Volpe représente également une philosophie, fondée sur des principes clairs voués à une esthétique du football. Il a créé une école de pensée au Mexique qui suscite à la fois admiration et controverses. Des entraîneurs tels que Miguel Herrera, José Guadalupe Cruz, Daniel Guzman, et Jorge Almiron se disent tous influencés par lui. Pep Guardiola, presque vénéré en Europe, considère La Volpe comme l’un de ses mentors. Malgré cela, son palmarès est modeste : il remporte une Gold Cup en 2003 et un championnat du Mexique en 1992/1993. À l’instar de Bielsa, La Volpe incarne le paradoxe du football : pour ceux qui perçoivent le sport sous un angle artistique, visant à reconnaître les « protagonistes » en tant qu’artistes, Ricardo La Volpe est une source d’admiration. Pour les autres, il est perçu comme un théoricien sans capacités managériales tangibles. Beautyfootball a pris position sur cette question. À l’occasion de la Coupe du Monde 2018, nous avons choisi de faire revivre la révélation de cet entraîneur exceptionnel : comment le Mexique a-t-il illuminé brièvement la scène mondiale lors de la Coupe du Monde 2006 ?
Le parcours de Ricardo La Volpe
Ancien gardien de la sélection argentine couronnée de succès en 1978 (aux côtés de Menotti, dont il partage de nombreuses idées), le parcours de La Volpe est étroitement lié au Mexique, son pays d’adoption. Il termine sa carrière de joueur à Oaxtepec, où il fait également ses débuts en tant qu’entraîneur.
Par la suite, il enchaîne les expériences, plus ou moins fructueuses, dans des clubs prestigieux tels que l’América, l’Atlas, Guadalajara et Atlante. C’est avec ce dernier club qu’il décroche son unique titre de champion. En tant que sélectionneur du Costa Rica entre 2010 et 2011, il laissera surtout son empreinte à la tête de l’équipe mexicaine de 2003 à 2006, remportant la Gold Cup en 2003. Ce travail en sélection lui ouvrira les portes de Boca Juniors dans son pays natal, mais cette expérience se soldera par l’échec le plus retentissant de sa carrière. La Volpe a ainsi entraîné de nombreux clubs avec plus ou moins de succès, mais c’est sa participation à la Coupe du Monde 2006 qui nous permettra de retracer son identité footballistique à travers des images précises.
Composition et animation
Le Mexique en phase offensive : jeu de position et projection
Ricardo La Volpe est connu pour sa préférence pour un seul système : le 3-5-2 ou 5-3-2. Un principe phare de son jeu émerge lors de la sortie du ballon, nommé la « salida lavolpiana », qui a gagné en popularité chez de nombreux entraîneurs européens. Dans les années 2000, ce type de jeu était relativement rare !
Concrètement, La Volpe exige de ses joueurs qu’ils sortent le ballon de leur surface sans effectuer de dégagements longs. Pour éviter un pressing adverse intense, les joueurs mexicains doivent créer une supériorité numérique dès le début de l’action. Ainsi, le coach choisit de jouer avec trois défenseurs centraux face à des attaques souvent constituées d’un ou deux joueurs.
(L’image illustre ce principe : les trois défenseurs centraux, soutenus par un milieu relayeur, sont en supériorité numérique et peuvent trouver ce dernier directement entre les lignes pour éliminer l’adversaire.)
(Une autre possibilité fondamentale de cette relance est la « conducción », permettant aux joueurs de progresser dans des zones dégagées par les attaquants adverses, afin de gagner du terrain et provoquer des décalages.)
Bien que l’idée soit simple, sa mise en pratique est complexe. Cela demande beaucoup de travail aux joueurs pour adopter ces comportements. Ils doivent également faire preuve de confiance et d’aisance technique pour ne pas craindre de faire des passes sous pression et avancer le cas échéant. La Volpe considère que les défenseurs centraux sont cruciaux dans chaque mouvement offensif, depuis la construction jusqu’à la finition, comme nous allons le voir plus loin.
Un facteur décisif pour le succès des sorties de balle est le rôle du milieu de terrain proche de la défense et du gardien de but. En effet, les adversaires adaptent souvent leur pressing et tentent de harceler la ligne défensive avec trois attaquants. Dans ce cas, un milieu de terrain peut se glisser dans l’axe pour occuper efficacement l’espace et ainsi fatiguer l’adversaire. De plus, le rôle du gardien, auquel les joueurs n’hésitent pas à se raccrocher, doit permettre de jouer un 5 contre 3 dans leur propre moitié de terrain. Bien que cela soit risqué, cette initiative facilite grandement la suite de l’action.
(Exemple illustratif : les Iraniens tentent de couper les liens entre les défenseurs et les milieux mexicains qui arrivent en nombre.)
(Dans cette configuration, les Mexicains n’hésitent pas à faire appel au gardien, véritable joueur de champ, pour ouvrir sur un coéquipier disponible et casser ainsi le schéma défensif iranien.)
Dans le football de La Volpe, les défenseurs ne se contentent pas de faciliter les sorties de balle. Ils s’impliquent du début à la fin de chaque action. Osorio, Marquez et Salcido maîtrisent particulièrement bien l’art de la « conducción », c’est-à-dire la capacité à porter le ballon pour fixer un adversaire et libérer un coéquipier bien positionné dans un espace vide, prêt à finaliser un décalage.
(Ici, le défenseur conduit le ballon jusqu’à la ligne médiane pour attirer deux Portugais. Salcido ne cible pas les deux joueurs pris au piège, mais cherche un troisième joueur « hors-champ ». Cependant, les milieux encerclés sont cruciaux, car ils se projettent déjà dans la prochaine action.)
Par la suite, l’un des circuits de passe les plus importants pour développer un jeu de position se dessine : celui du « troisième homme », également connu sous le nom de jeu en support autour de l’attaquant. Les images suivantes montrent que Guardiola n’a rien inventé ; comme il le reconnaît, il est avant tout un brillant voleur d’idées qu’il parvient à sublimer.
(La passe de Salcido vise bien le joueur « hors-champ », l’attaquant prêt à proposer une solution en support. Comme prévu, les autres joueurs se projettent dans l’action suivante grâce à des déplacements pertinents. Résultat : ils prennent une longueur d’avance sur les Portugais, un avantage suffisant à ce niveau pour créer un décalage.)
(Le décalage culmine par une ouverture en direction d’un latéral lancé dans l’espace.)
Le Mexique excelle dans ce circuit de passes en multipliant les variantes, y compris le jeu aérien :
(Le circuit commence de la même manière, avec une passe d’un milieu à un attaquant proposant une solution en support.)
(L’attaquant remet en une touche pour Marquez, qui, bien que défenseur central, intervient dans l’action. Il se prépare à servir le milieu, qui, après sa première passe, continue son avancée avec une projection.)
(La zone ciblée est manifeste : l’espace libre créé par le déplacement de l’attaquant en support qui libère une zone dans son dos. Marquez et Pérez comprennent tous deux la situation : l’un se projette dans la zone, et l’autre cherchez à le trouver avec une subtile passe par dessus.)
Ces séquences exigeantes nécessitent un travail affiné et une coordination irréprochable, associée à une justesse technique dans les passes en une touche. Les joueurs sont rapprochés, les participants sont identifiés, et ils savent se mouvoir à travers les intervalles pour s’y projeter, incitant les Mexicains à créer un désordre organisé.
Dans ce contexte, Ricardo La Volpe permet, sous certaines conditions, aux défenseurs centraux de s’avancer jusqu’à la surface adverse pour conclure une action.
(Dans cette séquence, Osorio débute son action en tant que défenseur central et la termine en attaquant. Il ouvre d’abord sur Marquez, puis prépare une projection. Notez encore le déplacement anticipé du milieu axial, en rouge, qui sait déjà ce qui va se passer et prépare sa compensation).
(Osorio est libre, face au jeu, non suivi par les attaquants portugais. Encore une fois, le joueur sur le flanc facilite ce décalage grâce à une remise en une touche. Il est également essentiel de signaler le positionnement du joueur mexicain encerclé en rouge, qui a anticipé ce déplacement et constitue une sécurité en cas de perte de balle.)
(Le schéma de déplacement se répète magnifiquement, peu importe le joueur impliqué ou sa position initiale. Osorio est toujours là et se projette derrière le latéral.)
(La prise de balle orientée du latéral droit lui permet d’ouvrir un angle de passe pour donner à Osorio, qui se retrouve près des 30 mètres adverses, avec une situation de 2 contre 1 face au défenseur.)
Le Mexique joue avec aisance. Cette liberté s’exprime dans un cadre à la fois vaste et limitée : le jeu sans ballon, les mouvements coordonnés et les compensations au service d’une offensive construite et efficace. Quand on réalise la complexité pour un éducateur d’instaurer des automatismes entre deux joueurs, on ne peut que rester impressionné par ces actions impliquant l’ensemble des joueurs, chacun connecté par une pensée commune, proposant ainsi une harmonie digne d’un orchestre symphonique.
Le Mexique en phase défensive : polyvalence au service de l’efficacité
Comme Beautyfootball le démontre à travers ses diverses publications, la phase défensive, bien que essentielle pour un football efficace, se décline avec moins de diversité en matière de règles d’action par rapport à la phase offensive. La plus grande difficulté réside dans la capacité des joueurs, sur toutes les lignes, à comprendre l’importance de leur engagement pour valoriser l’effort collectif. L’équipe du Mexique de La Volpe n’échappe pas à cette règle.
(Dans une configuration médiane, le plan défensif est limpide : la première ligne, constituée de Borgetti et Fonseca, crée un entonnoir avec leurs coéquipiers, adoptant une position compacte pour forcer le relanceur adverse à progresser avec le ballon dans un espace restreint.)
(Ici, Heinze avance en réalisant des conduites de balle sous la pression de Borgetti et trouve un espace où quatre Mexicains se positionnent proches, prêts à clôturer le périmètre. En situation d’urgence, le défenseur a toutes les chances de perdre le ballon.)
En phase défensive, les joueurs mexicains adoptent souvent un schéma en 5-3-2, avec une défense de zone légèrement orientée sur l’homme. Cela signifie qu’en défendant en zone, un Mexicain peut suivre son adversaire s’il change de zone avec le ballon. Lorsque les adversaires sont piégés dans cet entonnoir, l’ensemble du bloc s’efforce de les orienter vers les côtés pour créer des supériorités numériques, bénéficiant de l’appui crucial de la ligne de touche, qui intensifie la pression sur l’adversaire isolé dans cette zone.
(Avec l’aide de la ligne de touche, souvent qualifiée de « meilleur défenseur du monde », les Mexicains parviennent à isoler le porteur de balle argentin, obligé d’affronter une supériorité de 5 Mexicains contre 4 Argentins.)
Le volume de courses et la vivacité des joueurs de « La Tri » font la différence, permettant de récupérer de nombreux ballons. À cet égard, il est important de souligner les qualités du trio défensif composé de Salcido, Marquez, et Osorio, qui possède une lecture de jeu et une anticipation au-dessus de la moyenne. Ils possèdent une capacité remarquable à surgit dans les pieds de l’adversaire, récupérant le cuir avec brio. En possession du ballon, leur capacité à progresser balle au pied, à résister aux pressings tactiques à l’aide de dribbles soigneusement placés, est un atout précieux pour les offensives des hommes de La Volpe.
Sur les conseils de ces trois défenseurs, « La Verde » peut initier des séquences de pressing haut. Celui-ci est davantage situationnel que constant.
(Dans cette séquence, le Mexique, qui a perdu le ballon, cherche à piéger Riquelme alors que trois Mexicains se préparent à le maîtriser.)
(Riquelme tente une conduite de balle orientée pour se défaire du pressing, mais sans succès, les Mexicains l’encerclent et le poussent vers la ligne de touche, scellant ainsi les chances argentine.)
Tout en maintenant cette prédominance de diriger l’adversaire vers les côtés, le Mexique sait varier entre séquences de pressing et phases plus attentistes en position médiane.
La Volpe, conscient que son équipe ne brille pas dans le jeu de tête défensif et la gestion des situations d’urgence dans la surface de réparation, demande donc à ses joueurs d’éviter autant que possible une configuration de défense basse. Les joueurs de « La Tri » redoublent d’efforts pour gagner du terrain et repousser leurs adversaires.
(Cette image illustre cette dynamique : alors que les Portugais s’approchent de la surface, tous les Mexicains sont en mouvement, tentant de défendre en avançant pour cadrer le porteur de balle, coupant ainsi les options de passes courtes, les obligeant à reculer. Encore une fois, la lecture du jeu des défenseurs ainsi que la rapidité d’action des joueurs sont primordiales pour garantir l’efficacité du plan.)
Par ailleurs, même si le football basé sur des attaques rapides, du pressing et du contre-pressing était moins fréquent en 2006 qu’en 2018, les joueurs de La Volpe sont capables de se déployer rapidement.
(Récupération du ballon près de la surface par les Mexicains et recherche immédiate d’un relais.)
(La deuxième passe est tout aussi verticale que la première. Morales réussit sa prise de balle en position de trois-quarts, prêt à déséquilibrer l’adversaire et dans les meilleures données pour exploiter l’info.)
(Troisième passe de la séquence et la troisième passe verticalement bien réceptionnée par le partenaire. Ici, Fonseca valorise la passe de son coéquipier et se prépare à attaquer un vaste espace libre dans l’axe.)
(En trois passes, le Mexique parvient à déstabiliser l’Argentine et à se rapprocher de sa surface de réparation.)
Ainsi, les joueurs de « La Verde » savent tirer parti de leurs capacités techniques et de leurs mouvements de qualité lors d’attaques rapides impressionnantes. Notons enfin que cette maîtrise du ballon s’exprime également sur les coups de pied arrêtés offensifs, avec Pavel Pardo, tireur attitré, qui a su distiller des passes remarquables lors de cet exercice, si bien qu’il a rejoint un club européen juste après sa belle performance en Coupe du Monde.
Conclusion
Qu’est-ce qui a donc manqué à cette belle équipe du Mexique pour aller plus loin dans cette Coupe du Monde ? Au-delà de la loterie du tirage au sort, qui peut amener à rencontrer une équipe largement supérieure individuellement, le Mexique a échoué à dépasser les huitièmes de finale principalement en raison de son inaptitude à conclure les actions. En réalité, il faut souvent un très grand nombre d’opportunités aux attaquants pour en transformer une. Contre l’Argentine, cela devient rédhibitoire, étant donné qu’ils s’exposent en permanence à des coups de génie des hommes de Pekerman. De plus, dans une compétition d’un tel niveau, les Mexicains montrent de nombreuses faiblesses sur les coups de pied arrêtés défensifs. À ce niveau d’exigence, les Mexicains ne peuvent se permettre d’être en retard d’un mètre dans leur propre surface. Il est aussi essentiel de souligner que même si le onze de départ impressionne souvent, La Volpe a constitué une multitude de rotations et de changements sans résultats satisfaisants au final. Et pourtant, du 11 au 24 juin 2006, le Mexique a su émerveiller le monde du football en offrant un jeu construit et captivant. Plus qu’une simple révélation pour l’Europe, cette équipe a prouvé qu’il est possible de pratiquer un football offensif et élaboré, aussi complexe que le jeu de position, sans la présence de stars dans son effectif. En formant un véritable laboratoire pour le jeune Pep Guardiola, encore en formation quelques années avant l’avènement de son Barça sur la scène mondiale, le Mexique a, peu importe l’opinion, rehaussé le standard de notre art et démontré à la communauté éducative qu’une autre approche du football est envisageable.

Fan de foot depuis toujours, je prends plaisir à suivre les matchs et en discuter.
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