En 2018, deux décennies ont passé depuis cet incroyable parcours des joueurs dirigés par Sir Alex Ferguson qui ont conquis la célèbre Ligue des champions. Deux ans plus tard, Manchester United se présente comme une équipe désarticulée, dirigée par un José Mourinho qui semble avoir perdu son cap, englué dans une quête de victoire à tout prix et son ego. Vingt ans après, le nom du joueur portant le prestigieux numéro 7 est presque oublié. Les regards se tournent vers le futur, espérant découvrir quels jeunes talents « maison » succéderont aux précédentes générations d’exception. Se plonger dans le passé, au cœur de l’œuvre de Sir Alex Ferguson avec les « Reds Devils », révèle indéniablement la portée de son génie managérial. En fidélité à sa vision du jeu (une colonne vertébrale, un box-to-box, un artiste et des attaquants talentueux), il a su garnir l’armoire à trophées d’une manière inégalée, sans doute inimitable par la suite. Faisons un retour sur cette époque d’or : l’épopée tactique de Manchester United en 1998-1999. Analyse.
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Composition et animation
L’alchimie parfaite en phase offensive : des attaquants complets servis par des centreurs exceptionnels
Quand on analyse les matchs de Sir Alex Ferguson, il est évident qu’il n’aligne que très rarement la même équipe d’une rencontre à l’autre. Bien que la colonne vertébrale demeure claire avec Peter Schmeichel, Stam, Keane, Beckham et les attaquants, de nombreux coéquipiers montent en fonction de la forme, des suspensions, blessures, et surtout des enjeux tactiques. La victoire en Ligue des champions est l’aboutissement d’un groupe d’environ 18 joueurs. Ignorer le rôle de Nicky Butt, Blomqvist, Phil Neville, Brown, Berg, Sheringham, et bien sûr Solskjaer ne rend pas compte de l’appétit de victoire qui anime ce groupe. Le match contre le Bayern en finale est particulièrement révélateur de la flexibilité de Ferguson : sans Keane ni Scholes, il décide de repositionner Beckham au milieu, malgré sa brillante saison à droite, pour offrir de précieux ballons. Rappelons que ce sont deux remplaçants, Teddy Sheringham et Ole Gunnar Solskjaer, qui offrent la victoire contre les Munichois.
De plus, durant la saison 1998-1999, Alex Ferguson s’en tient à un schéma de jeu clair : le 4-4-2 à plat. Cette formation semble évidente au regard de son effectif et des qualités de ses joueurs. Le 4-4-2 s’avère être l’un des systèmes les plus efficaces pour défendre toutes les zones du terrain. Cependant, il exige une discipline et un effort considérable de la part des ailiers, ce qui convient parfaitement à son équipe, réputée pour son engagement à tous les niveaux. L’unité qui lie ces joueurs, au-delà du simple football (comme le confirme Sir Alex dans son autobiographie), favorise le développement d’une discipline collective solide. En phase offensive, il est impossible de négliger la complémentarité entre Dwight Yorke et Andy Cole, brillamment soutenus par la qualité de passe des ailiers comme Beckham, Giggs et Blomqvist. Sir Alex Ferguson, tel un sage dans une forêt écossaise, semble avoir trouvé la formule pour créer une alchimie simple et parfaite entre tous les membres de son équipe. Plongeons dans le détail !
Lorsque Alex Ferguson partage sa vision du jeu avec Philippe Auclair en 2011 pour l’ouvrage Secrets de coachs, il affirme : « J’ai toujours cru que la clé était la possession du ballon, quelle que soit l’équipe avec laquelle j’ai travaillé. La possession et la bonne transmission du ballon ». Cependant, il est crucial de replacer ces propos dans le contexte du football des années 2010, où la possession semblait omnipotente. En 1998-1999, la situation était différente. Considérer Sir Alex Ferguson comme un fervent défenseur de la possession serait une erreur. L’animation offensive se caractérisait essentiellement par sa verticalité, avec de nombreux déplacements intelligents et complémentaires.
Les phases de relance fournissent une première illustration édifiante de cette verticalité et de ces schémas de déplacement simples mais efficaces.
(Johnsen, entouré, initie une ouverture sur son latéral situé à droite, sous la pression de deux adversaires)
(Alors que G. Neville se prépare à recevoir le ballon aérien de Johnsen, il passe en une touche à Stam, qui se rapproche de lui)
(Stam sait d’ores et déjà ce qu’il doit faire : chercher un attaquant en soutien pour frapper le camp adverse)
(Dwight Yorke contrôle le ballon, le conserve sous la pression de deux défenseurs, puis le passe à Beckham qui le soutient. Celui-ci cherche une ouverture derrière les défenseurs)
Cette sortie de balle est réussie, et après trois passes, Neville se retrouve lancé dans le camp adverse face à des défenseurs en recul.
Les relances aériennes sont courantes chez Manchester United. Pourtant, il serait erroné de parler de « dégagement » dans ces phases, étant donné la qualité des joueurs sur le terrain. La précision du jeu long des défenseurs, associée à celle de Beckham ou Scholes, permet de réaliser de véritables passes spectaculaires ! Comme le souligne Ferguson dans son autobiographie en parlant du jeu long de Scholes : « Il était si brillant qu’il pouvait viser un cheveu sur la tête de n’importe quel coéquipier » (p.173).
Le coach mise également sur la capacité de ses attaquants à conserver le ballon sous pression. Grâce à leur technique et à leur sens du timing, il est presque impossible de leur voler le ballon, que ce soit à la réception ou lorsqu’ils le contrôlent. Si vous souhaitez perfectionner ces compétences, Dwight Yorke et Andy Cole sont des références incontournables.
Il existe aussi un circuit direct allant de Schmeichel vers les deux attaquants, sans intermédiaire. Aujourd’hui, le jeu long d’Ederson à Manchester City impressionne, mais n’oublions pas la qualité du jeu de Schmeichel, notamment lors des dégagements de la main.
Les relances de Manchester United peuvent également être brillantes au sol :
(Stam prend le ballon, face à la pression de l’Inter. Il choisit de jouer court avec son acolyte pour désamorcer la pression).
(Beckham reçoit la passe et renvoie au latéral qui se trouve hors champ.)
(Manchester réussit à briser la pression de l’Inter. Le défenseur est en position de jeu, prêt à exploiter les espaces devant lui).
(Neville, en rouge, trouve Cole qui s’offre en soutien, pendant que Beckham, après avoir eu le relais, continue sa course pour plonger derrière la défense. Ce double mouvement avec remise et projection se solde par une belle occasion).
Dans ces sorties de balle au sol, Roy Keane joue un rôle clé. Il décroche souvent au niveau des défenseurs centraux, non pas pour orchestrer comme un Busquets, mais pour permettre à ses latéraux de jouer plus haut et d’anticiper un jeu direct. Roy Keane est un excellent compensateur.
En Ligue des champions, les « Reds Devils » ont su présenter une diversité tactique face à divers blocs médians dans ce qu’on appellerait des « attaques placées ». Tous ces circuits reposent sur les deux attaquants et les deux ailiers, avec pour but d’offrir à Beckham et Giggs les meilleures positions pour alimenter Dwight Yorke et Andy Cole, qui peuvent également se créer des occasions grâce à leur compréhension mutuelle sur le terrain.
(Brown, porteur du ballon, cherche des solutions plutôt dans l’axe. Notez la position pertinente des deux attaquants : ils ne sont pas sur la même ligne, leurs corps sont orientés pour observer la situation de jeu).
(Yorke laisse passer le ballon entre ses jambes et se projette dans l’espace. Cole en profite et se positionne pour recevoir).
(Le « une-deux » des deux joueurs fonctionne parfaitement, Barcelone est pris au dépourvu, Cole en profite pour marquer.)
Les circuits qui permettent de créer des décalages dans le camp adverse sont maîtrisés. L’objectif est de placer un attaquant derrière les milieux adverses pour ouvrir l’espace à un ailier qui proposera ensuite un centre précis :
(Brown, encore lui, joue dans l’intervalle pour Cole qui fait une déviation en une touche vers Yorke. Beckham est positionné pour soutenir l’action.)
(Yorke est déjà disponible pour une remise en une touche.)
(Cole élargit vers Beckham, invisible dans un premier temps mais bien présent à droite).
Ce circuit peut également se décliner en aérien sans difficulté. La stratégie de fixer l’axe, de jouer en déviation pour ouvrir à droite et de finir par un centre est l’idée offensive principale visant à briser un bloc. Bien que ces mouvements soient classiques, ils se révèlent souvent très efficaces : contre l’Inter, la Juve ou Barcelone, des buts ont été inscrits grâce à ce type de séquence. Il est crucial de souligner l’importance de Beckham dans ce projet de jeu ainsi que son rôle central dans les phases de finition. David Beckham, deuxième au Ballon d’Or cette année-là, semble émerger sur le terrain par sa capacité à mener le jeu. Son volume de jeu est remarquable et il semble inflexible, la qualité de ses centres est un véritable régal. Comme son homologue à gauche, il n’est pas rare qu’il se recentre dans l’axe pour créer un véritable carré au cœur du jeu, optimisant ainsi la circulation du ballon et les opportunités de décalage. Au sein de cette équipe talentueuse, il se distingue comme le joueur vedette lors de cette campagne de Ligue des champions, sans égal dans sa performance !
Les attaquants de Manchester United, grâce à leurs compétences techniques, sont également capables de ralentir le jeu pour en contrôler le rythme. Bien que cela ne fasse pas partie de leur ADN, quelques séquences de conservation et d’utilisation de la largeur viendront poindre, mais cela reste ponctuel par rapport à la verticalité qui les caractérise. On observe beaucoup de courses de Yorke et Cole qui, profitant du repositionnement des ailiers, se rabattent vers les « demi-espaces » pour recevoir les longs ballons, déstabilisant ainsi les défenseurs centraux. Si l’adversaire ne compense pas, le centre final de Beckham ou Giggs s’avère redoutable. Les gardiens sont souvent mis en difficulté sur tous les coups de pied arrêtés, corners ou coups-francs des Red Devils.
Manchester United en phase défensive : les nettoyeurs de ballons
Si Manchester United a remporté la Ligue des champions en 1998-1999 et a été capable de surpasser d’excellentes équipes, cela ne repose pas uniquement sur ses talents offensifs. Anderson, Figo, Zenden, n’est-ce pas une belle attaque pour Barcelone ? Ronaldo, Baggio, Zamorano, cela n’est pas impressionnant en attaque pour l’Inter Milan ? Di Livio, Conte, Zidane, Inzaghi, ne font-ils pas un bel alignement ? Que dire de Lothar Matthäus, Mario Basler, Mehmet Scholl du Bayern Munich ? Pourtant, toutes ces équipes ont échoué face à celle de Ferguson. Ce qui a fait la différence, c’est l’implication et la solidité défensive de cette formation.
Manchester United ne pratique pas un pressing constant, sauf situation exceptionnelle. Son système défensif repose sur deux lignes de quatre, placées à hauteur médiane :
(Montrez le schéma classique des deux lignes très serrées, formant un bloc compact qui se déplace ensemble)
(Cette équipe se déplace collectivement de manière remarquable sans perdre son équilibre. Stam est le défenseur central assigné à suivre les décrochages des attaquants adverses).
Lorsque le bloc de Manchester United recule de 10 mètres tout en restant compact, il montre clairement sa volonté de contrer le jeu adverse, comme l’illustre l’attitude de Scholes face à Ronaldo. Le cadrage est très resserré, heureusement face à un tel adversaire !
La stratégie défensive consiste à orienter l’adversaire vers les côtés pour mieux l’encercler, tirant parti de la qualité des ailiers de Manchester. Dans cette obsession de la verticalité, chaque récupération du ballon doit déclencher une attaque rapide :
(Les deux attaquants de Manchester sont très impliqués défensivement : ils s’appliquent à orienter l’adversaire sur les côtés).
(Le défenseur central oriente le ballon sur le côté : le signal est donné pour que Blomqvist sorte sur le porteur, accompagné d’un coéquipier. Son agressivité se monnaie alors par une récupération du ballon).
(Blomqvist prend de vitesse son adversaire, tout comme Dwight Yorke qui démarre sa course dans l’espace libre).
(Dans un 4-4-2 à plat, les attaques rapides se révèlent salvatrices grâce à la présence des deux attaquants : grâce à une passe de Blomqvist, Yorke se retrouve en position parfaite pour tirer. Il ne se fait pas prier et marque d’un belle frappe).
Dans cette zone du terrain, les duels à deux sont nombreux, et les ailiers suivent souvent leurs adversaires, même lorsqu’ils se dédoublent. La volonté de défendre collectivement, également incarnée par Beckham, Giggs et l’oublié Blomqvist, est frappante.
(Manchester affiche une nouvelle fois un alignement collectif remarquable. Le défenseur de l’Inter essaie de progresser mais est repris par le retour de Dwight Yorke).
(À la récupération, les joueurs se projettent immédiatement en attaque. Ici, Keane initie un « une-deux »).
(Le timing de ce « une-deux » est impeccable.)
(La situation de centre est idéale : l’espace au 1er poteau est ouvert pour Yorke, le centre à première intention fait le reste).
Plus rarement, le collectif de Manchester United tente d’autres approches en faisant croire à l’adversaire qu’une solution de passe est disponible, uniquement pour mieux refermer l’entonnoir.
(Dans cette configuration médiane, le défenseur central de la Juventus va être piégé : une ligne de passe semblait s’ouvrir, mais c’est un leurre : l’entonnoir se referme et Paul Scholes récupère le cuir pour relancer rapidement).
Au-delà des nombreux duels gagnés dans l’axe ou sur les côtés, le terme « nettoyeurs » prend tout son sens lorsque l’on observe comment l’équipe occupe et gère les 25 derniers mètres:
(Cette image illustre bien : 8 joueurs blancs sont très proches les uns des autres. Le porteur de balle est isolé, et les solutions de passe autour de lui sont bloquées. Barcelone est face à un mur. En haut de l’écran, on remarque le retour de Cole, très bas, pour aider ses partenaires).
Grace aux aptitudes de Johnsen, Keane, Stam, Irwin dans le jeu aérien, il est ardu de tromper les Mancuniens sur un centre. De plus, en cas de pépin, le gardien Peter Schmeichel est toujours là, prêt à capter un centre ou faire un arrêt, grâce à ses réflexes et son envergure. La phase défensive de Manchester United est un mécanisme bien rôdé, où chaque joueur se révèle indispensable pour le bon fonctionnement collectif. Ces qualités, alliées à des attaques rapides que même le RB Leipzig d’aujourd’hui ou le FC Liverpool admireraient, constituent le « facteur X » de l’équipe de Sir Alex Ferguson.
Conclusion
La victoire en finale de Ligue des champions, obtenue le 26 mai 1999 dans les dernières minutes, ne repose pas sur le hasard, surtout en regardant le parcours des Mancuniens. Bien que le Bayern soit une équipe d’exception, il est impressionnant de constater la force collective des « Red Devils ». Sir Alex évoque souvent les liens unissant cette génération de 1992 (Butt, Beckham, Scholes, Giggs, les frères Neville…), qui dépassaient le simple cadre du football et lui ont permis de puiser dans des ressources insoupçonnées lors de moments difficiles. Cette victoire de 1999 est sans conteste un triomphe du mental. Avec les jeunes prodiges d’Old Trafford, la personnalité de figures telles que Peter Schmeichel, Roy Keane, ou Andy Cole illustre parfaitement la confiance et la soif de titres partagée au sein de l’équipe. Sir Alex Ferguson a brillamment construit une équipe fidèle à son histoire personnelle : généreuse, acharnée, et qui ne lâche jamais, même en danger. Le Manchester United de 1998-1999 se distingue par un mélange impressionnant de talent, de classe et de stratégie, des qualités qui ne doivent surtout pas être oubliées en lien avec Sir Alex Ferguson. De plus, l’histoire ne s’arrête pas le 26 mai 1999. Les hommes de Ferguson continueront d’apporter des émotions intenses à leurs supporters. Ils remporteront également le championnat lors de la dernière journée, ainsi que la coupe d’Angleterre face à Newcastle. C’est le triplé. À l’aube du nouveau millénaire, Manchester United a plus que jamais inscrit son nom dans l’histoire de ce sport.

Fan de foot depuis toujours, je prends plaisir à suivre les matchs et en discuter.
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