Comment défendre comme une équipe protagoniste ? L’exemple du pressing façon Atalanta Bergame

Introduction

Que l’on soit coach débutant ou aguerri, observer les rencontres du week-end nous offre une source d’inspiration inépuisable pour forger une identité footballistique qui nous est propre. Sur ce site, comme l’illustre ce plaidoyer à relire régulièrement, notre intention est de décortiquer le travail des entraîneurs « protagonistes », ceux créatifs, afin d’aider les passionnés à affiner leur vision du football. À l’instar de l’art où l’on dit souvent que « les grands peintres prennent le temps d’observer les maîtres », il s’agit de mettre en lumière des séquences tactiques essentielles et des idées fortes avancées par des entraîneurs professionnels, souvent associées au protagonisme. Premier exemple marquant, le pressing, qui illustre comment défendre tout en avançant face aux grandes équipes du championnat, à travers l’analyse de l’Atalanta Bergame.

Qu’est-ce que le football protagoniste ?

Pour répondre à nos objectifs, il convient d’effectuer un retour sur le sens des mots via quelques définitions. Le football « protagoniste » doit être considéré comme une approche globale du jeu où l’entraîneur cherche à aller au-delà de l’analyse restreinte au résultat. Comme le rappelle souvent Marcelo Bielsa : « quand la productivité du résultat est l’argument principal, l’opinion perd de sa valeur (…) nous n’aurions plus besoin de conférences de presse car il n’y aurait plus rien à discuter. » En ce qui concerne le monde implacable du football professionnel, le coach « protagoniste » n’est pas nécessairement meilleur que les autres et ne détient pas « la vérité », mais il fait preuve d’un courage fondamental car il aspire à la victoire sans renier la manière dont elle est obtenue. Ainsi, l’entraîneur protagoniste se donne une mission plus difficile : celle d’insuffler une émotion à travers le jeu pratiqué. L’entraîneur qui privilégie un football construit souhaite être évalué sur ses intentions créatives et sur la capacité de ses joueurs à proposer un football en harmonie, audacieux, et où la créativité collective peut briller, séduisant ainsi autant le supporter que l’observateur impartial.

En somme, évoquer le « beau jeu » serait une erreur, car cela enfermerait dans un débat sans fin sur la « subjectivité de la beauté ». Préférons parler de « football construit », qui repose sur une domination du terrain et du ballon, axée sur la technique et l’intelligence, permettant ainsi au spectateur de percevoir que la victoire peut être justifiée. Par-là même, ce type de football se dresse clairement contre la spéculation. Pour conclure, Marcelo affirme : « Lorsque vous n’avez pas le ballon, vous n’avez qu’un but. Connaissez-vous cet objectif ? (…) La réponse est que l’équipe sans la balle n’en fait pas d’erreur. C’est vraiment la clé. Naturellement, jouer nécessite une bonne exécution. Mais aujourd’hui, vous avez l’autre option : profiter de l’erreur. Par conséquent, quel est le risque ? Que le spectateur passe à un autre sport. »

Analyse d’une phase de pressing, caractéristique du protagonisme : L’exemple de l’Atalanta Bergame de Gasperini contre la Juventus

Cependant, la question que se pose souvent le jeune entraîneur est : Comment identifier le protagonisme ? Comment acquérir des techniques collectives liées à ce type de football que je pourrais tenter de reproduire ? Par l’observation et le partage d’idées. C’est ce que vise l’analyse ci-dessous, où nous démontrerons qu’un pressing de qualité est systématiquement associé aux entraîneurs protagonistes. L’exemple de l’Atalanta Bergame de Gaspérini ce week-end est révélateur à cet égard.

(Sur la passe en retrait de De Sciglio à Bonucci, tout le bloc de l’Atalanta monte pour presser. “Presser” se réfère à une tentative de défendre collectivement en avançant, afin de réduire le temps et l’espace accordé à l’adversaire.)

(Le positionnement des joueurs de l’Atalanta empêche toute solution intérieure pour Bonucci, qui voit Gomez se rapprocher de lui pour l’enfermer. La solution la plus simple semble être Cuadrado à droite, apparemment libre. Pourtant, le piston gauche bergamasque se prépare à sortir au moment de la passe pour l’empêcher d’avancer.)

(Bonucci opte tout de même pour entrer dans le piège dressé par les joueurs de Gaspérini pour chercher Higuain en soutien hors du champ. C’est exactement ce que les joueurs du capitaine Papu Gomez attendaient ; ils empêcheront ainsi la circulation autour de l’attaquant bianconero. Le ballon sera récupéré grâce à une défense proactive.)

(Phase offensive pour Bergame avec une énorme occasion ratée pour Hateboer. Le ballon est dégagé de manière précipitée par la Juventus sur le flanc droit.)

(Cuadrado récupère le ballon et tente de faire un relais au sol. Bergame déclenche immédiatement son pressing à travers des courses collectives visant à réduire l’espace sur le côté droit.)

(Dybala est en position près de la ligne, mais l’Atalanta l’isole de ses coéquipiers. Cela devient un 4 contre 2 dans ce petit périmètre. De plus, la ligne de passe vers Higuain est bloquée par le mouvement de De Roon en position intérieure. Le ballon sera alors récupéré rapidement.)

(L’Atalanta Bergame affiche son protagonisme jusqu’au bout. L’équipe mène 1-0 contre la meilleure équipe d’Italie mais ne se recule pas. Le bloc est haut, empêchant le gardien turinois de s’exprimer proprement.)

(Le joueur de la Juve est pris sous pression et renvoie le ballon en une touche pour échapper au harcèlement de son vis-à-vis. Cependant, il apparaît que le joueur à gauche sera de nouveau enfermé.)

(Toutes les solutions courtes sont bloquées par un marquage individuel très serré en position haute. De Ligt, bien qu’ayant un excellent jeu de passes, est contraint de chercher une solution longue.)

(Ce jeu long est immédiatement récupéré par la défense bergamasque, qui parviendra à redémarrer une offensive, laissant la Juventus en position défensive dans leur propre camp.)

Peu d’équipes parviennent à maintenir un pressing aussi long contre un adversaire de ce niveau. Pour apprendre à défendre en avançant, observer l’Atalanta constitue une inspiration de choix. De plus, si vous souhaitez approfondir l’analyse de séquences similaires, revoyez le match, ainsi que celui de la Real Sociedad contre le Real Madrid. Cette équipe basque, surprise de la saison, affiche également cette volonté constante de défendre en avançant, même face à l’ogre qu’est le Real Madrid.

Conclusion

Le choix de l’Atalanta comme sujet de cet article n’est pas anodin. Cette formation regroupe des footballeurs talentueux à chaque poste sans avoir de réelles « stars ». En s’appuyant sur des cas concrets fournis par des équipes sans stars, il devient possible de démontrer que ce football visant à passionner le spectateur est accessible à (presque) tous. Le protagonisme consiste avant tout en un comportement, une attitude conquérante qui cherche à imposer son « style » à l’adversaire. Le pressing se révèle être un outil particulièrement efficace dans cette démarche.

Certes, cette équipe a finalement subi une défaite ce week-end face à leur adversaire, mais elle a fait valoir son sport de plusieurs manières :

  • Gasperini, en exigeant de ses joueurs une telle attitude, une telle ambition tant individuelle que collective, contribue à leur progression et éclosion, ce qui ne peut être que bénéfique pour le club à long terme.
  • En proposant un tel football, on démontre aux supporters qu’il est possible de faire face à un adversaire apparemment supérieur, de se hisser à sa hauteur, ne serait-ce qu’à certains moments, et ainsi d’obtenir son respect.
  • En réalisant des séquences aussi développées malgré les différences individuelles, on contribue également à faire progresser son adversaire. En effet, cela permet à la formation prétendument « supérieure » d’élever aussi son niveau de jeu, de ne jamais se relâcher. C’est ensuite ce « grand club » qui va « représenter » le championnat au niveau européen. Et c’est cette attitude qui s’avère clé pour s’affirmer à l’échelle européenne, lorsque l’intensité collective est unie à une qualité individuelle supérieure. Ce sont par ces affrontements domestiques que se construisent les grandes victoires européennes, qui font ensuite de votre championnat une référence mondiale.
  • Par cette volonté de proposer une défense axée sur le pressing, intrinsèquement courageuse, l’entraîneur protagoniste devient une source d’inspiration pour tous les entraîneurs amateurs ou semi-professionnels, qui souvent disposent d’effectifs limités et cherchent des repères pour affiner leur vision du football.
  • En développant un football aussi abouti, ici du point de vue défensif, les équipes qui ont été battues ce week-end se préparent de la meilleure des manières à s’imposer contre les équipes moins fortes. Leurs prestations deviennent des « matchs-références » sur lesquels s’appuyer pour le reste de la saison. Malgré un manque d’« efficacité » tel que le souligne le résultat, l’équipe a appris à générer un football protagoniste qui lui sera utile dans le futur.

Tous ces éléments (non-exhaustifs) mettent en lumière l’iniquité d’une analyse basée uniquement sur le résultat. Les enjeux d’un match de football professionnel vont bien au-delà du simple tableau d’affichage. Rendant hommage aux entraîneurs protagonistes, à l’instar de Gaspérini, car ils élèvent chaque jour le niveau de leur sport et permettent à tous les passionnés de justifier pourquoi le football est le plus grand jeu de tous les temps.

Pour retrouver toutes les citations originales de Marcelo Bielsa, n’hésitez pas à consulter le remarquable dossier SO FOOT : https://www.sofoot.com/bielsa-a-leeds.html